Chroniques langagières à la belge. Genèse d'un projet éditorial.
Catherine GRAVET Université de Mons
Chroniques langagières à la belge. Genèse d’un projet éditorial
À la Faculté de Traduction et d’Interprétation de l’Université de Mons, l’enseignement de la grammaire occupe une place importante, quelle que soit la langue enseignée. L’enthousiasme des professeur·es se heurte souvent au désintérêt des étudiant·es. Iels ne ménagent pourtant pas leur peine et cent fois sur leur métier iels remettent leur ouvrage ! Comment aborder, par exemple, les questions d’accords grammaticaux ? Comment convaincre de l’importance de s’exprimer clairement ? Quelle position adopter vis-à-vis des normes ? Ces questions sont cruciales à l’heure où l’intelligence artificielle semble avoir réponse à tout. Pourtant, qu’on s’exprime à l’écrit ou à l’oral, qu’on enseigne dans les écoles secondaires ou à l’université, c’est d’un échange entre humains dont il s’agit !
Sous l’égide de l’Institut de recherche Langage, le Service d’Études françaises & francophones (SÉF&F), le Service d’Études nordiques (NORD) et le Service de Traductologie, langue et culture néerlandaises (TraLaNed) organisent, depuis 2019, un « Séminaire sur l’enseignement de la grammaire ».
Des chercheurs et des chercheuses, des enseignantes et des enseignants, des praticiens et des praticiennes se rencontrent à Mons pour discuter de questions de grammaire et de son enseignement dans différents contextes.
L’objectif des séminaires est d’encourager et de développer des recherches qui mettent en lumière les différentes pratiques d’enseignement de la grammaire dans les classes. Il s’agit aussi de déterminer leurs impacts sur les compétences des étudiant·es, voire du grand public. D’une manière plus générale, les séminaires permettent d’actualiser les connaissances en sciences du langage.
Ainsi, en octobre 2019, Évelyne Rosen, maître de conférences à l’Université de Lille et Rémy Porquier, professeur honoraire de l’Université Paris- Nanterre, ont présenté une communication intitulée « Autour/au tour de la grammaire. L’imprévu et l’improvisation – deux défis à relever pour l’enseignant-artisan ». Jan Goes, professeur des universités, Université d’Artois, et Michel Pierrard, professeur émérite à la Vrije universiteit Brussel, s’interrogeaient sur l’importance de la grammaire contrastive dans l’enseignement du français langue étrangère (et donc sur la formation des formateurs).
Et en avril 2022, Geneviève Geron et Nancy Verhuslt (Université catholique de Louvain) et Michel Berré (Université de Mons) revenaient sur la question de la grammaire dans les classes de FLE.
En octobre 2022, Anne-Catherine Simon (Université catholique de Louvain), Sophie Piron (Université du Québec à Montréal) et Dan Van Raemdonck (Université libre de Bruxelles) se penchaient sur les contraintes de l’écriture d’une grammaire française aujourd’hui et sur ses
visées didactiques.
Nous avons eu le plaisir d’entendre bien d’autres intervenants et intervenantes comme Anne Abeillé (Université Paris Cité), Carl Vetters (Université du Littoral - Côte d’Opale), Bernard Combettes (Université de Lorraine) ou encore Jean-Claude Beacco (Université de Franche-Comté), Sabina Gola (Université libre de Bruxelles) et Dominique Levet (Académie de Bobigny). Mais le séminaire qui a inspiré le présent volume s’intitulait « “Dans le journal ou sur le journal ? ” Les chroniques langagières dans la
presse belge francophone de 1920 à nos jours ».
Il a eu lieu le 8 novembre 2023, avec quatre des contributeurs au présent volume, Michel Berré, Élisabeth Castadot, Bénédicte Van Gysel (Université de Mons) et Franz Meier (Université d’Augsbourg). Le sujet des chroniques langagières s’est révélé particulièrement original et peu traité ; deux autres chercheurs, Olivier Odaert (Université de Mons) et Olivier Sauvage (Université deLyon) et une chercheuse, Stéphanie Delneste (Université de Mons) se sont joints aux premiers pour approfondir les réflexions et donner lieu aux six chapitres qu’on découvrira dans ces pages, avec un point de vue commun : ces chroniques qui vulgarisent la grammaire pour le grand public – mais
qui s’intéressent aussi aux questions de lexique, d’orthographe, de prononciation, voire de « genre » – sont-elles spécifiquement belges ? Les contributeurs et contributrices ont réussi, du moins on l’espère, à apprécier et faire apprécier la « belgitude » des chroniqueurs – et de la chroniqueuse.
Le 4 décembre 2024, dans le cadre des « Conversations » de l’Institut de recherche en sciences du langage de l’Université de Mons, Jean-Marie Klinkenberg, qui a longtemps présidé le Conseil de la langue française et de la politique linguistique de la Belgique francophone, s’interrogeait sur le constat maintes fois répété : « Le français va mal ! » Il s’insurgeait contre les discours catastrophistes et les idées reçues en démontrant que non, les Genèse d’un projet éditorial jeunes ne déforment pas la langue, que oui, le participe passé tend à devenir invariable, que non, le français n’appartient pas à l’Académie française… Il s’est fait une joie de nous donner un texte pour une préface roborative qui ne cède pas aux clichés. Après avoir suivi pas à pas les chroniqueurs belges, d’un siècle à l’autre, du père Deharveng à Anne-Catherine Simon, en passant par Grevisse et Goosse, le point de vue de Jean-Marie Klinkenberg sur les chroniques langagières nous donne l’envie de réfléchir à celles qui paraissent aujourd’hui, non plus dans des quotidiens édités sur papier, mais sur des supports contemporains. Les séminaires montois devraient, à l’avenir, se pencher sur ces blogs et autres chats langagiers sur internet, peut-être plus en phase avec la mentalité des jeunes. Jean-Marie Klinkenberg est de ceux qui croient que les enseignant·es n’ont pas à s’inquiéter : l’intérêt pour la langue française, qui n’est plus guère celle de Molière (encore son évolution est-elle toujours un passionnant sujet d’étude ! ), est loin d’être en veilleuse.






